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Medusa : Le câble sous-marin qui connectera l’Afrique du Nord à l’Europe du Sud sur un pied d’égalité


Un bâtiment discret, face au port industriel de Barcelone, abrite ce qui pourrait bien changer durablement la connectivité du continent africain : la Barcelona Cable Landing Station, nouveau point d’ancrage du gigantesque projet Medusa, premier câble sous-marin en Méditerranée à relier directement cinq pays d’Afrique du Nord aux grandes capitales numériques de l’Europe du Sud.

Nous avons rencontré Damien Bertrand, Directeur général adjoint de Medusa, dans cette station inaugurée en 2022 et conçue pour accueillir jusqu’à huit câbles sous-marins.

« Deux câbles sont déjà actifs, d’autres vont suivre, notamment Medusa qui y atterrira bientôt », explique-t-il.

Medusa : une rupture technologique et stratégique

Contrairement aux anciens modèles de câbles partagés entre consortiums, Medusa adopte une logique nouvelle : 24 paires de fibres, chacune vendue à un acteur unique, lui garantissant autonomie, confidentialité et flexibilité dans l’exploitation.

« C’est un câble privé. Chaque client a sa propre paire de fibres. Il peut l’équiper à sa guise, sans avoir à se coordonner avec d’autres », détaille Bertrand.

Ce modèle tranche radicalement avec celui du câble SMW4, en fin de vie, encore utilisé par la Tunisie, ou même son successeur, le SMW6, toujours opéré en consortium.

Techniquement, Medusa est aussi à la pointe : chaque fibre est amplifiée tous les 85-90 km, permettant des débits massifs et une latence minimale.

Une réponse aux besoins croissants du Maghreb

« Les pays d’Afrique du Nord ont des besoins en bande passante qui explosent. Avoir une simple capacité à bord d’un câble intercontinental ne suffit plus », avertit Bertrand. D’où l’idée d’un système interconnectant Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Égypte, et allant jusqu’aux grands hubs européens : Lisbonne, Barcelone, Marseille, Palerme, Athènes, Chypre… voire jusqu’à Akaba en Jordanie, via une extension prévue par le Sinaï.

Le tronçon tunisien de Medusa, qui atterrira à Bizerte, est en cours de finalisation. Sa mise en service est attendue pour la fin de l’année 2025, avec une liaison directe vers Marseille. Un changement de paradigme pour la Tunisie.

L’Europe derrière le projet, l’Afrique en ligne de mire

Co-financé par la Commission européenne et la BEI, Medusa sert aussi un objectif stratégique : interconnecter les centres de recherche nord-africains avec leurs homologues européens. Le projet GÉANT, réseau académique européen, bénéficiera ainsi de capacités inédites. « Aujourd’hui, certains pays ont à peine 1 à 10 Gbps pour leurs universités. Medusa multipliera cela par 20 ou 30 », affirme Bertrand.

Et ce n’est pas tout : pour la première fois, les universités d’Égypte, de Tunisie ou du Maroc pourront échanger directement entre elles sans passer par l’Europe. Une révolution silencieuse mais profonde dans l’architecture du Net africain.

AfriX Telecom, catalyseur continental

Derrière Medusa, un acteur méconnu mais ambitieux : AfriX Telecom, opérateur panafricain né en 2013, présent dans 18 pays, avec des licences, de la fibre optique terrestre et désormais des capacités sous-marines.

« Nous connectons les grandes entreprises, les opérateurs et les institutions à travers l’Afrique et vers l’Europe. Medusa complète notre vision », conclut Bertrand.

Walid Naffati & IA

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