
L’Agence nationale des fréquences (ANF) a tenu, ce mercredi 12 novembre à Tunis, la troisième édition de sa conférence annuelle « Spectre et tendances technologiques », consacrée cette année aux ESIM (Earth Stations In Motion). Ces stations terrestres mobiles permettent aux avions, navires et trains de se connecter à Internet via satellite, un sujet qui gagne en importance alors que la connectivité devient un critère essentiel dans le transport moderne.
Un besoin devenu central pour les passagers
Les ESIM n’ont rien à voir avec les eSIM des smartphones. Il s’agit ici de terminaux embarqués capables d’offrir une connexion stable en mouvement, là où les réseaux terrestres ne peuvent pas suivre.
Pour Olfa Jammeli Jbal, directrice générale de l’ANF, ce service répond à une attente devenue incontournable.
« Aujourd’hui, le passager pose vraiment la question : y a-t-il une connexion ou pas ? La connectivité n’est plus un service supplémentaire, c’est une attente. »
Une technologie officielle depuis 2015 mais encore complexe à encadrer
Reconnues par l’Union internationale des télécommunications depuis 2015, les ESIM doivent fonctionner sans perturber les services existants. Leur mobilité – et le fait qu’elles opèrent souvent dans des zones internationales – complique la coordination entre États, satellites et transporteurs.
« Quand un avion sort de l’espace aérien tunisien, il n’est plus dans notre champ de contrôle. Pourtant, son système continue d’émettre. Cela exige une coordination très fine entre États et opérateurs », explique la DG.
Trois types d’ESIM, trois usages
La conférence a rappelé la segmentation des ESIM :
• AES pour l’aéronautique,
• MES pour le maritime,
• LES pour les plateformes terrestres mobiles.
Le cadre tunisien : une règle claire en altitude
En Tunisie, l’exploitation des ESIM dans l’espace aérien obéit déjà à un principe précis : l’ESIM n’est autorisée qu’à partir de 3000 mètres d’altitude. En dessous, l’équipement doit être coupé pour éviter toute interférence avec les services radio nationaux, notamment lors des phases d’approche, d’atterrissage ou de roulage.
Cette règle pose aujourd’hui une nouvelle question : certaines compagnies, notamment sur les segments haut de gamme et business, souhaitent garantir une continuité totale du service Internet jusqu’à l’arrêt complet de l’avion au terminal.
C’est précisément ce type d’usage qui a poussé l’ANF à ouvrir la discussion.
Un enjeu stratégique pour les compagnies aériennes, maritimes et ferroviaires tunisiennes
L’ANF rappelle que les enjeux ne concernent pas uniquement l’aérien. Les opérateurs maritimes et même les futurs services ferroviaires longue distance sont également concernés par l’évolution de ces technologies.
« Nous avons invité les compagnies tunisiennes pour leur montrer que ce n’est pas un sujet éloigné de leurs priorités. La connectivité peut les aider à vendre plus et à mieux répondre aux attentes des voyageurs », souligne la DG.
Le déploiement des constellations satellitaires modernes et des antennes électroniques renforce encore l’intérêt pour ces solutions.
Les recommandations : un registre international pour gérer les interférences
La conférence a débouché sur une recommandation pratique. Les autorités de régulation présentes souhaitent mettre en place un fichier partagé, regroupant pour chaque pays :
• la liste des compagnies disposant d’ESIM,
• l’opérateur satellitaire utilisé.
Objectif : identifier rapidement, en cas d’interférence, l’origine exacte du signal et accélérer le traitement entre régulateurs.
En Tunisie, la situation est plus simple que dans d’autres pays. Les bandes exploitées par les ESIM ne sont pas utilisées par d’autres services, ce qui réduit le risque d’interférences locales. Mais si, par exemple, Tunisair installe des ESIM à bord, l’ANF devra enregistrer cette information dans un fichier international, afin de garantir la coordination entre autorités et opérateurs.
Cette recommandation constitue l’un des chantiers sur lesquels l’ANF prévoit de travailler dans les prochains mois.
Une première étape réglementaire
En organisant cette troisième édition de sa conférence annuelle, l’ANF pose les bases d’un cadre futur pour les ESIM en Tunisie : règles d’exploitation, protection du spectre, coordination internationale et anticipation des usages.
Cette édition du 12 novembre marque ainsi un tournant pour la réflexion nationale sur la connectivité satellite en mouvement, dans un contexte où le transport devient indissociable du numérique.
Walid Naffati & IA