
MWC Doha a ouvert mardi 25 novembre 2025 sa première édition sous le patronage du Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar. Une inauguration qui place le pays au centre des ambitions numériques régionales et confirme la volonté de Doha de se positionner comme hub technologique pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
Selon les déclarations reprises par la presse locale, le choix du Qatar comme pays hôte reflète la montée en importance de la région dans le secteur mondial des télécoms. Le pavillon national a mis en avant les services publics connectés, les projets de transformation numérique et les avancées en intelligence artificielle. L’événement a également servi de cadre au lancement de deux rapports de la GSMA. Le premier sur l’économie mobile en MENA en 2025 et le second consacré à la digitalisation des entreprises. Les deux documents projettent une contribution du mobile dépassant 470 milliards de dollars à l’horizon 2030 et estiment que la 5G représentera près de la moitié des connexions régionales d’ici cinq ans. Le salon accueille aussi Smart City Expo Doha, consacré aux villes intelligentes et aux usages urbains du numérique.
Les opérateurs appelés à sortir de l’invisibilité
L’une des interventions fortes de la matinée a été celle de Hatem Dowidar, CEO du groupe e&. Il a averti que les opérateurs courent le risque de devenir invisibles aux yeux du public, absorbés par la domination des géants du numérique et l’attention portée davantage aux smartphones qu’aux réseaux. Pour lui, le modèle économique classique n’est plus viable. Il appelle le secteur à accélérer sa mutation vers les services avancés et les plateformes B2B et B2G.
e& a présenté plusieurs axes déjà engagés dans ce sens: Déploiement de réseaux privés, notamment pour ADNOC, partenariat avec AWS pour soutenir la demande en cloud souverain et collaboration avec les autorités émiraties sur les usages de drones pour la sécurité, la livraison et le contrôle aérien à basse altitude. Dans son intervention, Hatem Dowidar a résumé la ligne stratégique de son groupe. L’opérateur ne doit plus se limiter à transporter du trafic mais fournir des solutions complètes capables de générer de nouveaux revenus.
L’IA au centre des ambitions qataries
Les sessions consacrées à l’IA ont mis en évidence une dynamique locale en pleine accélération. Les chercheurs du Qatar Computer Research Institute ont présenté Fanar, une plateforme destinée à corriger les biais linguistiques qui touchent la majorité des modèles d’IA, entraînés presque exclusivement sur des corpus occidentaux. Pour l’institut, la maîtrise technologique passe d’abord par la maîtrise de la langue et de la donnée. Sans initiatives structurantes, les modèles arabophones risquent de rester à la traîne.
Snoonu, entreprise qatarie de e-commerce, a illustré les usages immédiats de l’IA dans l’économie locale. Recommandations personnalisées, optimisation logistique en temps réel, prévisions de la demande et déclinaisons hyper-localisées des notifications. Un exemple concret de la manière dont les acteurs qataris exploitent l’IA au-delà des démonstrations de laboratoire.
Les intervenants du Qatar Mobility Innovations Center ont par ailleurs insisté sur la nécessité d’adopter un rôle de producteur de technologie. Selon eux, les pays qui se contentent de suivre l’innovation au lieu de la concevoir resteront dépendants des plateformes étrangères.
Quand l’IA générique montre ses limites pour les entreprises
En marge des annonces locales, une autre intervention a rappelé les défis de l’IA dans le monde professionnel. Martin Kon, président émérite de Cohere, a mis en garde contre l’utilisation de modèles généralistes, conçus pour le grand public, dans les environnements d’entreprise. Selon lui, les technologies qui triomphent auprès du consommateur ne produisent pas automatiquement une transformation équivalente dans le secteur corporate. Les besoins métiers, les flux de données et les contraintes réglementaires sont trop spécifiques.
Il estime cependant que l’IA reste la rupture technologique la plus importante dans la relation entre humains et machines depuis trente ans. Elle peut combler des écarts de compétences et permettre à des profils moins productifs de monter en capacité. Encore faut-il aligner les modèles sur les besoins réels de l’organisation et travailler sur des jeux de données contextualisés.
Une première journée dense et riche en signaux pour la région
Cette première édition de MWC Doha confirme que la région MENA ne veut plus se limiter à accueillir les tendances globales. Elle cherche à produire, adapter et gouverner ses propres technologies, en particulier dans l’IA, la souveraineté des données et les plateformes télécoms avancées. Pour les acteurs tunisiens, qu’ils soient opérateurs, start-up ou institutions, l’événement offre un aperçu clair des axes prioritaires à suivre. Investissements dans l’IA locale, montée en gamme des services cloud, nouvelles approches B2B, transformation du rôle des opérateurs et réflexion sur la place de la langue dans l’innovation.
Walid Naffati & IA