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Tunisie : Quand le mariage devient parfois une condition pour créer sa startup

Tunisie : Quand le mariage devient parfois une condition pour créer sa stratup

«J’ai frappé à toutes les portes pour trouver un emploi. Elles étaient toutes fermées. Par désespoir de ne pas trouver le métier qui me passionne, mais aussi par espoir de ce que je peux accomplir en créant mon entreprise, je me suis décidée de lancer un projet dans les Tic», avoue Asma, une jeune diplômée d’une grande école technologique à Tunis. Asma n’a pas voulu qu’on dévoile son nom complet. Les difficultés que rencontre une femme tunisienne dans le secteur IT ? Elle en connaît un rayon, puisqu’elle était elle même victime de cette discrimination. Et cette fête de la femme n’a fait que raviver sa révolte.

Tunisie : Quand le mariage devient parfois une condition pour créer sa stratup«J’ai frappé à toutes les portes pour trouver un emploi. Elles étaient toutes fermées. Par désespoir de ne pas trouver le métier qui me passionne, mais aussi par espoir de ce que je peux accomplir en créant mon entreprise, je me suis décidée de lancer un projet dans les Tic», avoue Asma, une jeune diplômée d’une grande école technologique à Tunis. Asma n’a pas voulu qu’on dévoile son nom complet. Les difficultés que rencontre une femme tunisienne dans le secteur IT ? Elle en connaît un rayon, puisqu’elle était elle même victime de cette discrimination. Et cette fête de la femme n’a fait que raviver sa révolte.

«Je me trouvais dans un combat inégal où j’étais seule contre tous. J’ai dû faire face aux préjugés d’une société qui continue à voir d’un œil suspect une femme qui essaye de s’émanciper toute seule sur le plan professionnel», continue-t-elle visiblement très remontée. «Y’en a qui me voyaient ‘fanfaronne’ et que j’ai la tête en l’air. D’autres sont parfois allé jusqu’au point de sous-estimer mon projet et mes capacités. J’ai été même bloquée au niveau 0 de développement de mon entreprise. Pis : moi qui croyais que j’aurais le soutiens des proches, j’étais choqué d’entendre quelqu’un de ma famille me dire ‘Tant que tu n’es pas mariée, tu n’es pas en sécurité. Tu n’as pas le droit de te lancer dans l’entreprenariat. Va chercher des petits jobs jusqu’au jour où quelqu’un viendra à ton secours et te mariera’. Et vous vous demandez encore pourquoi les femmes ne réussissent pas à lancer leur propre startup en Tunisie ?».

Se lancer dans l’entreprenariat en défiant la société et ses préjugés 

Une problématique sociétale tunisienne d’ordre arabe peut-être, mais la question a déjà suscité l’intérêt des participants aux Mobile World Congress (MWC) -le plus grand évènement des technologies mobiles dans le monde, qui s’est déroulé en février 2014 à Barcelone, Espagne- lors d’une table ronde sur l’entreprenariat féminin dans le monde arabe, organisé à l’époque par ooredoo dans son stand.

Au cours du panel, une des entrepreneuses du pays du golfe a commencé par raconter sa peine quotidienne lors du lancement de sa startup dans son pays. Elle disait que même le fait de venir à Barcelone pour participer au MWC était un vrai challenge en lui-même. Mais si elle a eu la chance de convaincre sa mère pour l’accompagner dans ce voyage européen et obtenir, enfin, l’accord paternel pour sortir du pays, sa collègue, par contre, s’est vu bloquée par sa famille qui voyait d’un très mauvais œil leur fille voyager avec des étrangers dans un pays «mécréant». L’honneur de la famille et les «ce qu’on dira-t-on» se sont avérés, donc, plus précieux que l’émancipation professionnelle de leur fille.

Cette déclaration a provoqué l’indignation chez certains présents. D’autres ont été plus que surpris et on observé la fille avec un regard ahuri. Surtout que pour les occidentaux, la question de la liberté de la femme n’est plus à l’ordre du jour. 

Défendre les acquis de la femme tunisienne dans le monde

De peur d’impacter négativement l’image de la femme arabe aux yeux des invités (qui représentent déjà la crème de la crème du secteur télécoms dans le monde), Chaima Ben Rabah et Khadija Azzabi -respectivement directrice générale et directrice médicale de Grant Fit, nouvelle startup tunisienne spécialisée dans les applications mobiles à vocation médicale- se sont empressées à prendre la parole afin d’apporter leur témoignage sur la situation de la femme tunisienne.

Chaima Ben Rabah et Khadija Azzabi présentant la startup Grand Fit en marge du Mobile World Congress

Chaima Ben Rabah et Khadija Azzabi présentant la startup Grand Fit en marge du Mobile World Congress

«Nous n’avons pas cherché à relativiser l’affaire de cette femme venue du Moyen Orient tout en se vantant sur les droits que la femme tunisienne a pu acquérir depuis l’indépendance. Car en Tunisie les femmes rencontrent, parfois, ce type de problème. Nous avons cherché plutôt à capitaliser sur l’expérience de la femme tunisienne pour qu’elle soit un exemple d’inspiration pour le reste des femmes dans le monde arabe», commente Khadija Azabi en se rappelant de cette affaire. 

En clair, ces deux tunisiennes n’ont pas voulu ‘enfoncer’ leur consœur arabe pour valoriser les tunisiennes aux yeux des étrangers. Elles voulaient plutôt nuancer cet impact négatif par des success story tunisiennes. Surtout qu’elles même représentent un peu cette success story puisqu’elles étaient invitées au MWC grâce à un concours qui a classé leur startup (et leur école avec) au Top 15 des universités mondiales participant à l’University Mobile Challenge. Un Challenge dans lequel plus de 170 universités dans le monde y ont participé.

«Le défi était plus grand que ce Challenge. Surtout au MWC. Un carrefour d’affaire international où des pays comme la Corée du Sud ou la Malysie comptent plus que 500 mille femmes d’affaires. On doit penser à promouvoir l’entreprenariat loin des tergiversations inutiles sur ces droits acquis», conclu-t-elle. 

Chercher le soutien d’autres femmes

Nous devons, effectivement, toujours contribuer dans la création de la richesse nationale», acquiesce Chaima Ben Rabah. «J’ai trouvé à côté de moi plusieurs femmes entrepreneurs qui m’ont soutenu et continue encore à me soutenir. C’est ce qui me motive davantage dans cette aventure entrepreneuriale. Amel Saidane (lire notre article, ndlr) est pour moi une grande sœur. Elle est toujours disponible pour partager des conseils et les meilleures pratiques». 

La table ronde organisée en février 2014 au Mobile World Congres

La table ronde organisée en février 2014 au Mobile World Congres

Chaima Ben Rabah s’est par la suite rappellé qu’au tout début de développement de leur produit, l’équipe était fortement appuyée et encouragée par une femme : Docteur Zinet Turki de l’Institut national de nutrition. Elle a beaucoup misé sur le projet et a soutenu la réalisation du premier prototype du produit de Grand Fit.

Ce produit n’est autre qu’une application mobile basée sur une nouvelle approche de calcul des doses d’insuline en fonction des plats ingurgités. La personne diabétique pourra ainsi régulariser la quantité d’insuline à prendre selon ce qu’il a mangé durant le déjeuner (par exemple). Ceci n’est, d’ailleurs, qu’un des produits où la santé et les TIC convergent pour le bien être du citoyen.

«Notre projet de startup aspire à une réelle transformation du soin de santé classique et ce, en apportant une expérience utilisateur riche qui aidera le patient à gagner en autonomie et en qualité de vie» affirme la directrice médicale de Grant Fit.

Bien qu’elles soient minoritaires dans l’entreprise (la startup compte 2 femmes contre 3 hommes), mais leur positionnement hiérarchique est en soi une preuve que le débat sur l’égalité homme femmes n’est qu’un faux débat entretenu par les plus misogynes qui ont peur, peut-être, de se trouver un jour devancés par les femmes. 

Welid Naffati avec l’aide de Marwen Dhemaied

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