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Peut-on gagner 6000 dollars par mois en travaillant pour son compte et sans quitter la Tunisie ?

Peut-on gagner 6000 dollars par mois sans créer une entreprise et tout en restant en Tunisie ?

Faut-il suivre des études dans des écoles prestigieuses, avoir des bourses d’étude et partir à l’étranger pour gagner bien sa vie ? La réponse est a priori, non. C’est ce qu’on peut retenir en conclusion d’un entretien avec Maher Hanafi, chef d’entreprise en Tunisie et haut cadre dans une société canadienne.

Peut-on gagner 6000 dollars par mois sans créer une entreprise et tout en restant en Tunisie ?Faut-il suivre des études dans des écoles prestigieuses, avoir des bourses d’étude et partir à l’étranger pour gagner bien sa vie ? La réponse est a priori, non. C’est ce qu’on peut retenir en conclusion d’un entretien avec Maher Hanafi, chef d’entreprise en Tunisie et haut cadre dans une société canadienne.

A peine âgé de 30 ans, le parcours atypique de ce Tunisien est une vraie «success story». De Boumhel (ville du gouvernorat de Ben Arous au sud de Tunis) à Montréal, comment ce jeune homme est-il arrivé à développer le premier lecteur vidéo à 360 degrés et a pu gagner plusieurs dizaines de milliers de dollars par mois grâce aux applications mobiles ? Interview.

THD : Quelles études avez-vous suivi en Tunisie ?

Maher Hanafi : J’ai étudié à l’école et au collège de Boumhel, puis au lycée Pilote Bourguiba de Tunis. Mais je suis revenu à Boumhel pour passer mon bac car l’année d’avant je n’avais pas obtenu la moyenne arithmétique nécessaire pour y rester malgré une moyenne général très bonne. J’ai alors décroché mon Bac haut la main et avec peu de fatigue. J’ai obtenu la 2ème meilleure moyenne du lycée, toute section confondue. C’est ainsi que j’ai pu intégrer l’école préparatoire de Tunis, l’IPEIT.

Au concours de préparatoire, j’étais classé 66ème sur plus de 2500 étudiants et j’ai choisi d’aller étudier à SupCom. J’ai obtenu un stage de PFE à l’université Laval au Québec bien que j’avais pu aller en France. J’ai préféré partir aussi car ça m’ouvrait la porte à toutes sortes d’opportunités au Canada, aux États Unis et sur le continent européen. Surtout dans le domaine des jeux vidéo et la 3D. D’ailleurs, j’ai fini par être recruté par EA Games (grande entreprise internationale spécialisée dans les jeux vidéo, ndlr), où je me suis occupé du développement des jeux sur les plateformes mobiles. C’était en 2011 et j’avais 27 ans à l’époque.

C’est de là que vous avez eu envie de créer vos propres applis de jeux sur mobile ? 

A vrai dire, j’ai toujours été passionné par les jeux vidéo depuis l’âge de 6 ans. J’ai joué à tout, de l’Atari à la PlayStation 3 en passant par la Nintendo. J’ai joué à Counter Strike en équipe pendant plusieurs mois. J’ai également joué à la PES et à la FIFA depuis son édition de 94. Mais le jeu qui m’a le plus marqué, c’est World Of Warcraft. J’y ai joué pendant 4 ans, carrément sur des serveurs payants. 

C’est de là que j’ai commencé à avoir l’envie de créer mes propres vidéo games. En étant fan de ces jeux, et à force d’y jouer, j’ai commencé à remarquer tous les petits détails comme les graphismes, les effets, les cinématiques, l’intelligence artificielle et le Gameplay. 

C’est en 2008 que je me suis mis à développer un concept de jeu vidéo sur PC appelé Bouncing Ball. C’était au tout début de mon apprentissage dans le développement en 3D OpenGL.

Le jeu malheureusement n’est pas disponible au public. Mais je compte le relancer en version mobile. Sinon, j’ai plein de jeux vidéo que j’ai créés sur mon PC en parallèle de mon boulot. Et qui sont en rapport avec la réalité augmentée et la 3D dans les jeux vidéo.

Mais le premier jeu que j’ai créé et qui m’a fait gagner de l’argent, c’est l’application PlayStation Trophies. Je l’ai fait quand je suis revenu du Canada. Puis j’ai créé FIFA 14 PROFILES. C’est une application accompagnante que j’ai créée moi-même, pour mon propre compte après que j’ai quitté EA Games.

Pourquoi l’avoir quitté, pourtant c’est un job de rêve pour n’importe quel fan de jeux vidéo ?

Après 1 an et demi de travail là-bas, je commençais à avoir des offres de partout. Des entreprises qui voulaient me débaucher pour leur compte avec le double de mon salaire. Un chasseur de têtes a ainsi donné mon contact à la startup canadienne Tamaggo, une société qui a développé la première caméra 360 pour le Grand public. Ils m’ont proposé d’occuper le poste de responsable du département Recherche et développement. J’ai pu ainsi toucher à tout. Depuis 2012, je suis donc chargé du développement, pour le compte de Tamagoo, d’un lecteur 3D pour les plateformes mobiles Android et iOS, ainsi que les versions desktop Mac et Windows sous format Flash ou Web.

Mais ceci ne m’a pas empêché de continuer le développement de mes propres applications de jeux vidéo. J’ai même fini par créer une startup basée à Tunis. 

Maher Hanafi

Maher Hanafi

Pourquoi ce choix ? 

Je développe mes propres applications depuis maintenant 5 ans. Et j’ai des applis qui ont eu beaucoup de succès avec presque 500 mille téléchargements pour un total de 2 millions de donwloads en tout. Et ce chiffre ne cesse de croître. 

J’ai voulu agrandir la base de mes développements et y embarquer des développeurs tunisiens passionnés de jeux vidéo. J’ai donc fondé ma startup à Tunis en 2013. Ma startup comprend actuellement 5 développeurs à temps partiel et travaillant à distance. Nous livrons des projets à des clients en Tunisie et bientôt en France et au Canada. Je compte recruter encore plus prochainement pour étendre mon activité à d’autres pays.

L’approche que j’ai choisie pour l’expansion de ma Startup est clairement de gagner des projets à l’international, surtout au Canada et aux Etats-Unis. On les développe, par la suite, en Tunisie. Je veux qu’on devienne plus compétitifs et concurrentiels que les ingénieurs de l’Inde et de l’Europe de l’Est.

Que faut-il faire pour qu’on y arrive ? 

La Tunisie a tout pour devenir un pôle mondial incontournable dans le développement mobile. Y’a besoin ni de matière première, ni d’investissements majeurs. 

Il y a juste ce gros problème du système bancaire, des cartes de crédit et des paiements en ligne qui persiste en Tunisie (pour s’inscrire sur l’App Store ou le PlayStore, il faut payer en devises pour publier son application, ndlr). C’est un vrai handicap pour le développeur en Tunisie. 

Or si on trouve une solution à ces problèmes, imaginez la quantité de devises qui entrera dans les caisses de l’Etat. Nous avons actuellement un grand nombre d’étudiants, chercheurs, professionnels et de Tunisiens passionnés du développement mobile. Nous avons des centaines d’activités, séminaires et congrès chaque année sur ce thème en Tunisie. Et pourtant, nous ne voyons guère d’impact réel à l’international, voire même à l’échelle nationale. 

Si celui qui a développé Flappy Bird (un jeu mobile très simple qui cartonne sur le Net en rapportant 50 mille dollars par jour à son créateur, ndlr) était en Tunisie, ce jeu n’aurait, probablement, jamais vu le jour.

Les Tunisiens ont la réputation d’être des débrouillards. Si un jeune arrive à publier ses jeux grâce au soutien d’amis à lui à l’étranger qui ont un compte en euros ou en dollars, combien espère-t-il gagner grâce au développement mobile des jeux vidéo ?

Avec une dizaine d’applis destinées au marché américain et européen, on peut gagner, en moyenne, entre 4 mille et 6 mille dollars par mois. C’est effectivement un marché prometteur. Je vous laisse imaginer la quantité d’argent en devises que gagnerait la Tunisie si l’Etat décidait d’aider ces développeurs en leur facilitant l’accès à ces Stores en ligne.

Comptez-vous revenir vous installer définitivement en Tunisie ?

Rentrer en Tunisie, oui ! Quand ? Je ne sais pas. Certainement après quelques années. Le temps de consolider cette nouvelle structure (sa startup tunisienne, ndlr) et créer des relations business solides avec l’Amérique du Nord. Ce qui me désole, c’est le manque de moyens pour ces compétences tunisiennes qui sont obligées de vivre enfermées dans cet Open World. Ils sont incapables de publier des applications, malgré leur immense talent. Tout ça, à cause de la bureaucratie et une mauvaise volonté politique. Quel gâchis !

Propos recueillis par Welid Naffati

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