La planète est aujourd’hui massivement couverte par le haut débit mobile : la 4G atteint 93 % de la population mondiale, et la 5G dépasse désormais la moitié des habitants de la planète. Pourtant, l’écart d’usage reste abyssal : plus de 3,1 milliards de personnes vivent sous couverture mobile haut débit… sans se connecter à Internet. Le frein n’est plus la couverture, mais bien l’accès aux terminaux, les compétences numériques et la confiance des utilisateurs.
Une adoption en panne malgré des records de couverture
Selon le dernier rapport GSMA « The State of Mobile Internet Connectivity 2025 », 58 % de la population mondiale (soit environ 4,7 milliards de personnes) utilisent l’internet mobile sur leur propre appareil. En 2024, près de 200 millions de nouveaux utilisateurs s’y sont ajoutés, soit la croissance la plus forte depuis 2021. Mais derrière ce chiffre encourageant se cache une réalité inquiétante : 38 % de la population mondiale vit sous couverture haut débit sans utiliser l’internet mobile.
En comparaison, l’écart de couverture (zones sans réseau) ne représente plus que 4 %, soit environ 300 millions de personnes. La décennie de la couverture est donc gagnée, mais pas celle de l’adoption.
5G en vitrine, mais 3G dans la poche
La 5G progresse rapidement et couvre désormais 54 % de la population mondiale, avec une croissance de plus de 700 millions de personnes en 2024. Mais sur le terrain, surtout dans les pays à revenu faible et intermédiaire, la réalité est tout autre : 16 % des abonnés utilisent encore des feature phones ou des smartphones limités à la 3G.
Les chiffres sont encore plus frappants en Afrique subsaharienne où cette proportion grimpe à près de 60 %, et reste autour de 30 % en Afrique du Nord et au Moyen-Orient (MENA). Une contradiction qui souligne le risque d’une fracture d’usage entre la vitrine technologique de la 5G et la réalité d’un parc d’appareils largement obsolète.
Des usages quotidiens mais trop limités
Même chez les connectés, la majorité des utilisateurs se contentent d’une à deux activités quotidiennes : messagerie, réseaux sociaux et divertissement vidéo. Les usages productifs – e-éducation, santé, e-gouvernement ou travail – restent marginaux.
Cette situation illustre une faiblesse en littératie numérique et en accompagnement à l’usage, particulièrement dans les pays émergents. L’« internet utile » peine encore à émerger au-delà des plateformes sociales et du divertissement.
La barrière invisible : prix du terminal, coût des données et sécurité
Chez les non-utilisateurs déjà couverts et conscients de l’existence de l’internet mobile, les principaux freins sont :
- le prix des terminaux,
- le manque de compétences numériques,
- et les inquiétudes liées à la sécurité en ligne (fraudes, contenus nocifs, désinformation).
Le constat est lourd : dans les pays à revenu faible et intermédiaire, le prix médian d’un smartphone d’entrée de gamme représente encore 16 % d’un revenu mensuel moyen, et jusqu’à 48 % pour les 20 % les plus pauvres.
Selon la GSMA, un smartphone à 30 dollars rendrait l’accès abordable pour 1,6 milliard de personnes déjà sous couverture, mais aujourd’hui exclues.
En Tunisie : un lancement 5G à sécuriser par des plans d’adoption
Avec le lancement officiel de la 5G en février 2025, la Tunisie fait partie des pays pionniers de la région. Mais la leçon du rapport GSMA est claire : la priorité n’est plus d’ajouter des couches de technologie, mais de réduire l’écart d’usage.
Cela passe par :
- des forfaits d’entrée incluant smartphone subventionné + data,
- la promotion du reconditionné certifié,
- des programmes de littératie numérique,
- et des services publics en ligne préintégrés pour donner du sens à la connexion.
Conclusion
Le prochain milliard d’utilisateurs mobiles ne viendra pas de nouvelles antennes, mais de terminaux abordables, de compétences utiles et d’un climat de confiance numérique. En Afrique et au Moyen-Orient comme en Tunisie, l’enjeu n’est pas tant de déployer la 5G que de permettre à chacun d’en profiter réellement.
Walid Naffati & IA
