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IPv4, IPv6 et ASN : où en est la Tunisie dans la gestion de ses ressources Internet ?


La Tunisie compte aujourd’hui 24 membres AFRINIC, c’est-à-dire des entités qui obtiennent directement leurs ressources Internet (IPv4, IPv6 et ASN) auprès du registre régional africain. Depuis 2011, le pays a connu une évolution progressive dans l’obtention de ces ressources, reflétant une certaine maturité dans l’architecture de son réseau Internet. Mais la majorité des organisations tunisiennes dépendent encore de leurs fournisseurs d’accès, au risque de compromettre la résilience et la sécurité de leurs infrastructures.

Lors de l’Internet Measurement Day Tunisie 2025, l’AFRINIC a encouragé les utilisateurs finaux, notamment les entreprises, à acquérir leurs propres ressources numériques plutôt que de les louer. L’évènement, co-organisé à Tunis le 14 octobre dernier par ICANN et AFRINIC, en partenariat avec RIPE NCC (le registre européen) et Internet Society (ISOC), et hébergé par Sofrecom, visait à sensibiliser les acteurs du numérique à la gestion directe des ressources IP.

Wafa Dahmani, Stakeholder Development Liaison à l’AFRINIC, a rappelé que « le succès est dans la diversité des ASN », insistant sur le fait que plus un pays compte de systèmes autonomes indépendants, plus son réseau est robuste et souverain.

Un Internet tunisien encore centralisé

Avec 27 ASN actifs et 24 membres AFRINIC, la Tunisie reste en retrait par rapport à plusieurs pays africains comparables.
Le pays dispose d’environ 7,8 millions d’adresses IPv4, soit une adresse pour 1,5 personne, mais la plupart de ces adresses sont administrées par les grands FAI.
Résultat : en cas de panne majeure ou de blocage chez un opérateur, de nombreuses entreprises perdent simultanément leur connectivité.

Cette centralisation limite aussi la possibilité de multihoming (connexion à plusieurs FAI pour garantir la continuité de service), une pratique pourtant essentielle dans les pays où les entreprises possèdent leurs propres blocs IP.

Pourquoi acquérir ses propres ressources Internet ?

AFRINIC recommande aux organisations d’obtenir leurs ressources plutôt que de les louer à leur fournisseur d’accès, pour trois raisons principales :

Améliorer la résilience : en cas de rupture d’un fournisseur, les services peuvent basculer automatiquement vers un autre.

Éviter la renumérotation : changer de FAI n’impose plus de reconfigurer tout le système (DNS, monitoring, etc.).

Affirmer son identité numérique : posséder ses blocs IP réduit les risques de blacklistage ou de dépendance administrative, tout en permettant de bénéficier des services RPKI et IRR pour la sécurité du routage, en toute autonomie.

Les démarches sont simples :

Le coût dépend de la taille du réseau, du type de membre (Local Internet Registry ou utilisateur final) et de l’usage prévu. Un simulateur est disponible sur le site d’AFRINIC.

Un enjeu de souveraineté numérique

Alors que la Tunisie multiplie les discussions sur le cloud national, la cybersécurité et la donnée souveraine, la question de la maîtrise des ressources IP reste étonnamment absente du débat public.
Or, détenir ses propres adresses et numéros de systèmes autonomes est la première pierre d’une véritable indépendance numérique.

Comme le résume Wafa Dahmani :

« Les adresses IP sont à Internet ce que les plaques d’immatriculation sont aux routes. Tant que nous les louons à d’autres, nous ne sommes pas pleinement maîtres de notre circulation numérique. »

Walid Naffati & IA

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