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Afrique : 84 % des entreprises échouent encore à intégrer l’IA faute de vision managériale

Dans le cadre de la série « RDV en Terre Numérique » du cabinet de consulting “Acadys France“, l’expert camerounais Jean-Jacques ESSOME BELL a détaillé une méthode concrète pour intégrer et faire adopter l’IA en entreprise, avec un prisme africain assumé. Message central: sans diagnostic amont ni pilotage managérial, les projets patinent. Une étude citée sur 302 entreprises au Cameroun montre que seules 16 % mènent une analyse ex-ante des cas d’usage, et 1 % évaluent réellement l’impact après déploiement.

Animé par Jean-Yves Arias d’ACADYS France, le webinaire « Conduire l’intégration et l’adoption de l’IA en entreprise » a été présenté par Jean-Jacques ESSOME BELL, entrepreneur et consultant en Business Management, Data Science et IA, auteur de la collection « Vulgarisation de l’IA en Afrique » incluant des ouvrages pour enfants et adolescents.

Le problème numéro un: se lancer sans diagnostic

Selon l’étude citée par l’intervenant, 16 % seulement des entreprises interrogées avaient clarifié en amont leurs cas d’usage et l’impact attendu. « Plus tard on décèle le problème, plus difficile est sa résolution », rappelle-t-il. Conséquences typiques: dispersion des ressources, objectifs business non adressés, démotivation des équipes.

Pour sortir d’une vision purement technique, l’intervenant recommande d’« habiller le manager » et de se poser en boucle trois questions simples:

  1. Quel est mon problème: chiffre d’affaires, productivité, rentabilité, risque.
  2. Comment puis-je le résoudre: stratégie, investissement, outil, approche IA.
  3. Ai-je réussi: évaluer avec des indicateurs clairs.

Ce cadrage aligne les équipes IA sur des objectifs business, puis oriente le choix entre planification, prévision, classification, génération de texte, etc.

Former les managers aux bases, pas aux algorithmes

Objectif: doter les décideurs d’un vocabulaire minimal sur les approches IA, de l’IA symbolique aux modèles d’apprentissage. Beaucoup d’entreprises « font de l’IA sans le savoir », par exemple via des moteurs de règles en banque ou dans le contrôle qualité industriel. Le reconnaître facilite le dialogue avec les techniciens et accélère l’intégration.

La courbe classique choc, déni, colère, dépression, expérimentation, décision, intégration s’applique. Cinq enseignements à en tirer :

  • La résistance est normale.
  • Les réactions varient selon profils et métiers.
  • Des solutions existent mais dépendent des personnes et des phases.
  • Miser sur des « champions » internes pour entraîner les autres.
  • Une adoption réussie élève la performance globale.

Pistes qui marchent observées par l’intervenant: analyse des résistances, plan de formation aux nouveaux modes de travail, communication claire des bénéfices, task force de champions, culture de feedback et de storytelling d’usage. Une charte d’engagement signée par le top management peut être élaborée en 4 à 6 semaines.

Gouvernance et Shadow IA

Entre confidentialité des données, qualité des modèles et usages non autorisés, la gouvernance IA est incontournable: comité dédié, règles d’usage, garde-fous, inventaire des outils déjà en place.

Éviter l’« usine à gaz » initiale. Privilégier des projets à déploiement rapide qui rassurent et démontrent la valeur. Mutualiser: deux solutions bien choisies peuvent adresser plusieurs problèmes, et toutes les données utiles ne sont pas toujours visibles au premier regard.

Il faudra mesurer l’impact sur trois niveaux :

  1. Global: CA, part de marché, NPS.
  2. Spécifique: productivité, délais, erreurs, qualité.
  3. Comportemental: taux d’adoption, satisfaction, perception de l’IA.

Le calcul de ROI reste difficile à cause des coûts cachés et bénéfices intangibles, mais une évaluation structurée est possible et nécessaire. Or, l’intervenant relève que 1 % seulement des entreprises évaluent l’impact de bout en bout.

Un modèle de maturité adapté au contexte africain

ESSOME BELL présente un cadre de maturité IA combinant référentiels internationaux et adaptation locale: données et analytics, vision et stratégie, technologie, capital humain, gouvernance. Scoring de 0 à 100 positionnant l’entreprise d’« ignorance » à « industrialisation ». Exemple cité: progression d’« exploration » à « expérimentation » avec un score 51,2 et des axes d’amélioration par dimension.

Oui, certaines tâches d’entrée de carrière sont menacées, notamment la synthèse documentaire dans le conseil. Mais de nouveaux rôles émergent: spécialistes IA par métier, profils hybrides « IA de X » en RH, finance, télécoms. Les postes restants évoluent vers plus d’analyse et de créativité, avec un besoin massif de formation.

Ce que cela implique pour les entreprises africaines ?

  • Partir du besoin business local et des contraintes terrain, pas de l’effet de mode.
  • Capitaliser sur l’IA déjà embarquée dans les outils existants.
  • Installer une gouvernance qui sécurise données et usages.
  • Lancer des quick wins mesurables, puis monter en puissance.
  • Mesurer la maturité au départ et après 6 à 12 mois pour piloter l’effort.

À retenir

L’intelligence artificielle ne relève pas uniquement de la technique : sans pilotage managérial solide, la majorité des projets s’essoufflent rapidement. L’étude citée montre que seules 16 % des entreprises réalisent un diagnostic avant déploiement et 1 % évaluent réellement l’impact, révélant un déficit de méthode. Or, réussir l’intégration de l’IA suppose une véritable conduite du changement, articulée autour de leaders internes, d’une charte d’engagement, de formations adaptées et d’une communication claire. En Afrique, cette réussite passe aussi par la contextualisation : partir des problèmes concrets, valoriser les données disponibles, avancer par étapes rapides et instaurer une gouvernance efficace.

Pour consulter le webinaire en intégralité, cliquez ici.

Walid Naffati & IA

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