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Tunisie:«Le prix d’un appel international est 80% plus cher qu’ailleurs», estime la Banque mondiale (2)

Un expert international en TIC : «La Tunisie a beaucoup trop de fibres optiques installés» En période de crise, le seul secteur qui peut contrebalancer les pertes de l’économie d’un pays est celui des TIC. C’est ce qu’on peut retenir de la table ronde organisée par la Banque mondiale le 19 juin dernier au sujet de la concurrence dans le secteur des télécommunications en Tunisie.

«Le haut débit est un créateur d’emploi. D’après une étude menée dans 120 pays, chaque augmentation de 10% de la pénétration du haut débit est associée à une augmentation de 1,4% du PIB», a déclaré lors de sa présentation Carlo Maria Rossotto, Coordinateur régional de la Banque mondiale à l’unité des secteurs des TIC. «Dans la plupart des pays qui ont connu la crise pendant 2008-2010, le secteur des TIC a paradoxalement prospéré et a créé des postes d’emploi. Dernièrement en Grèce, où toute l’économie du pays est en berne, le commerce et les services en ligne ont su rester compétitifs et ont même créé de l’emploi».

Mais une réelle relance économique grâce au TIC ne peut se faire sans une libéralisation totale du secteur. Abolir le monopole tout en favorisant l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs, va avoir un impact significatif sur les prix des télécommunications. Notamment ceux internationaux.

«Si la Tunisie ouvre le marché des liaisons internationales à la concurrence, les prix des appels depuis et vers l’étranger baisseront de 50 à 80%. Les entreprises auront ainsi plus d’accès aux services de communications avec des prix abordables. Ils seront plus compétitifs. La Tunisie pourra être un pôle attractif pour les entreprises étrangères», poursuit-il.

Carlo Rossotto (à droite), Coordinateur régional de la Banque Mondiale, unité du secteur des TIC

«Si on fait une étude des marchés en Tunisie, on voit que le taux de pénétration du mobile dépasse les 123%. C’est le plus élevé dans la région d’Afrique du Nord et le Moyen Orient. Si ce marché a connu une très grande dynamique, c’est grâce à la concurrence. Même saturé, Orange a réussi, par exemple, à s’accaparer 10% du marché. Par contre, il y a une certaine stagnation dans la branche fixe et notamment l’ADSL. Donc si on ne fait pas entrer la concurrence sur cette branche-là. On risque de voir disparaître l’ADSL».

En Europe de l’Est, un marché qui a beaucoup de ressemblance avec le marché tunisien, la consommation de la bande passante internationale en Roumanie est 4 fois plus élevée qu’en Tunisie. Elle est 10 à 15 fois plus élevée qu’en Bulgarie. Même coté prix, le coût d’un Méga bit en Tunisie est 4 à 10 fois plus élevé que les pays de l’Europe de l’Est qui ont totalement ouvert le secteur des télécoms à la concurrence.

«Question communications internationales, et d’après une étude des marchés menée par la Banque mondiale, le prix de la minute en Tunisie est jusqu’à 10 fois plus cher qu’en Bulgarie, Turquie ou même au Tchad», a conclu M. Rossotto.

Sur ce point, Claude De Jacquelot, expert international en TIC, a insisté sur le besoin de la Tunisie d’ouvrir son marché de communications internationales à la concurrence. Surtout sur la région du Maghreb. Toutes nos fibres optiques sont en effet reliées uniquement à l’Europe (deux avec l’Italie, et une avec la France). «Il faut penser à l’ouverture de nouvelles passerelles internationales associées à une infrastructure terrestre qui relie Nouakchott au Caire. Ceci augmentera la concurrence sur l’ensemble des câbles sous marins. Elle réduira également le prix de la bande passante internationale tout en sécurisant les accès. Les flux hors zone méditerranéenne seront moins sollicités pour aller chercher des Data Center situés, par exemple, en Egypte».

Claude de Jacquelot, expert international en TIC

Au niveau national, et après avoir présenté une carte de la répartition générale des antennes relais (BTS) des 3 opérateurs, De Jacquelot a comparé les différentes réseaux de déploiement de la fibre optique en Tunisie : «On a de la fibre optique partout. Si on regarde ces plans, on remarquera d’office que la STEG et la SNCFT en ont déjà pas mal. On a aussi les fibres de Tunisie Autoroute qui desservent l’axe Bizerte Sfax et qui vont aller prochainement jusqu’en Libye. Sans oublier nos amis de Tunisie Telecom qui doivent valoriser tout ce réseau à très haute capacité. Et si on compare ces cartes avec l’emplacement de ces BTS, on verra qu’ils se superposent», affirme-t-il.

«Avec ces 4 infrastructures, la Tunisie n’a pas besoin de dépenser son argent argent à faire passer encore plus de fibres optiques. Dépensez votre argent dans les écoles et les hôpitaux c’est mieux. Pourquoi demander aujourd’hui aux opérateurs d’installer leur propre fibre quand il y en a déjà assez sur le territoire et qui peuvent couvrir tous les besoins», s’interroge M. De Jacquelot. «Si ces infrastructures sont mutualisées, tous les opérateurs pourront activer immédiatement la 3G sur tout le gouvernorat du Kef. Ils mettront moins de temps à fibrer les immeubles. Il est clair qu’il faudra une politique bien précise à propos des méthodes de Backhauling (réseau de distribution jusqu’à l’abonné, ndlr). Mais l’essentiel a déjà été fait avec ce réseau de collecte».

M. De Jacquelot a tout de même terminé sa présentation sur une note positive : «Finalement, la situation n’est pas si mal que ça. Vous allez réussir si… vous vous décidez, dès aujourd’hui, à mener votre révolution numérique».

Welid Naffati

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